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Fermé pour expansion et rénovations
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Lr hor Design Museum Gent 16
COLLECTION

Vargueño

Une pièce de collection du 17e siècle fort prisée

par Marie Becuwe

L’une des pièces phares de l’exposition Le Bureau (jusqu’au 22 août) est sans nul doute le vargueño, un cabinet espagnol du début du 17e siècle. Avant de rejoindre notre collection en 1914, celui-ci a appartenu à au moins deux collectionneurs du 19e siècle et peut-être servi auparavant dans un palais de justice.

Escritorio de Salamanca

Connu à l’origine sous le nom d’escritorio de Salamanca, le vargueño se compose ici de deux caissons en bois empilés l’un sur l’autre, l’abattant du caisson supérieur tenant lieu de bureau. L’intérieur est ouvragé dans le style mudéjar espagnol, mélange d’influences chrétiennes et islamiques. Des sculptures en bois doré et des incrustations ivoirines ornementent les nombreux tiroirs et portes, qui évoquent la façade d’un bâtiment baroque.

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Le vargueño au Musée Singher, vers 1900-1910 © Ville du Mans, collection Adolphe Singher

Le vargueño est l’un des meubles les plus représentatifs de la Renaissance et du Baroque en Espagne. Originaire de Castille, il se répandit dans toute la péninsule ibérique au cours du 16e siècle. Ce meuble populaire était principalement utilisé par la bourgeoisie et la petite noblesse comme ‘bureau de voyage’, ses poignées en fer forgé facilitant le transport des caissons. Les vargueños agrémentaient généralement les bureaux des notaires et autres hommes d’affaires. Le cabinet gagna le Nouveau Monde dans le sillage des conquistadores et des missionnaires, sa forme évoluant sous l’influence des cultures indigènes. Les exemplaires latino-américains se caractérisent ainsi par les techniques d’ébénisterie traditionnelles mises en œuvre et leurs motifs plus variés, voire figuratifs.

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Maison dite de la Reine Bérengère, vers 1910 © Neurdein, privécollectie

Adolphe Singher

Ce type de meuble particulier était encore en vogue au 19e siècle. La production de copies faisait alors florès, et les exemplaires anciens trouvaient rapidement place dans les collections d’art, privées comme publiques. Du 19e siècle jusqu’en 1912, le vargueño du Design Museum Gent faisait partie de la collection d’Adolphe Singher (1836-1910). Directeur d’une compagnie d’assurance dans la ville historique du Mans, en France, Singher nourrissait une prédilection pour les objets du Moyen Âge et de la Renaissance. Sa collection comprenait des sculptures, des articles en métal, des tapisseries, des meubles, des sculptures en bois, des pièces forgées, et même des fragments architecturaux. Singher dirigeait une compagnie d’assurance non seulement au Mans, mais aussi à Madrid, et il est très probable qu’il ait acquis le vargueño lors d’un voyage d’affaires en Espagne. L’un des tiroirs du meuble porte en effet une étiquette aux armoiries de la région de Castille-et-León, ainsi qu’une inscription partiellement lisible : ‘Juzgado de [...] Palencia’, ce qui suggère que celui-ci a appartenu à un palais de justice de la ville espagnole de Palencia avant d’aboutir dans la collection de Singher.

Adolphe Singher se présentait comme un protecteur du patrimoine local et national. En tant que collectionneur et expert en antiquités, il a contribué à la préservation, à l’étude et à la revalorisation de différentes œuvres d’art et antiquités. Et en tant que membre de la ‘Société historique et archéologique du Maine’, il s’est consacré à la préservation de monuments et paysages urbains pittoresques. En 1891, il joint le geste à la parole et fait l’acquisition, dans le centre du Mans, de trois maisons à colombages inoccupées datant des 15e et 16e siècles, qu’il soumet à une restauration approfondie, avant d’héberger sa collection dans l’une des demeures médiévales, connue sous le nom de ‘Maison dite de la Reine Bérengère’.

Des visiteurs gantois

Désireux d’attirer l’attention sur sa collection et de stimuler les études historiques, Adolphe Singher ouvre son musée privé au public. Historiens (de l’art), antiquaires, artistes et autres amateurs, nationaux comme étrangers, viennent s’émerveiller devant les pièces d’une collection soigneusement agencée. Parmi celles-ci, le vargueño. En septembre 1899, Singher accueille la gilde gantoise néo-gothique de Saint-Thomas et de Saint-Luc, alors en voyage d’étude dans la vallée de la Loire. Après avoir présenté ses invités à la société archéologique locale, il leur fait les honneurs de la bâtisse médiévale. À en croire un rapport de l’architecte gantois Louis Cloquet, toutes les pièces, jusqu’aux greniers, caves et cours, regorgeaient d’objets historiques. Parmi les artéfacts présentés par Singher à son auditoire, se trouvaient notamment une poutre sculptée du 15e siècle, une tapisserie flamande du 16e siècle, un monument funéraire et une chaire épiscopale. Dans la cave voûtée, les visiteurs se virent ensuite servir un repas par des domestiques en livrée d’époque. Cloquet ne mentionne pas explicitement le vargueño, mais son récit donne une assez bonne idée de l’environnement dans lequel se trouvait le cabinet avant d’échouer à Gand.

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Salle du Musée des arts décoratifs, 1920-1930 © Archief Gent, SCMS_PBK_1649.

Fernand Scribe

Deux ans après le décès d’Adolphe Singher, la collection du Musée Singher fit l’objet d’une vente publique. Organisée le 22 mai 1912 à l’Hôtel Drouot à Paris, celle-ci attira l’attention de nombreux amateurs, parmi lesquels les célèbres marchands d’art parisiens Oscar Stettiner et Jacques Seligmann, l’archéologue français Théodore Reinach, mais aussi... le peintre, collectionneur et mécène gantois Fernand Scribe (1851-1913). Scribe a probablement séjourné à Paris en mai 1912 à l’occasion du Salon, l’un des événements artistiques majeurs. Il aimait déjà, à l’occasion de ses voyages annuels dans la capitale française, alors qu’il était âgé d’une vingtaine d’années à peine, se rendre à l’Hôtel Drouot, où se tenaient des ventes aux enchères quotidiennes. Selon une note rédigée dans le catalogue de vente de la collection Singher, Scribe fit l’acquisition du vargueño pour la somme de 2 100 francs.


Fernand Scribe entretenait des liens étroits avec le Musée des Arts Décoratifs de Gand, devenu aujourd’hui Design Museum Gent. Il est même étroitement associé à sa fondation en 1903. Dans son testament, il exprima le souhait de voir les pièces les plus précieuses de sa collection trouver place dans différents musées gantois après sa mort. C’est ainsi qu’une grande partie de sa collection de tableaux s’est retrouvée au Musée des Beaux-Arts début 1914. Le Musée des Arts Décoratifs a, quant à lui, accueilli principalement du mobilier, des textiles et des objets en céramique, en cuivre, en bronze et en étain. Le vargueño a rejoint les collections permanentes du musée lors du transfert de celui-ci à l’Hotel De Coninck en 1922.

Sources

  •  Louis CLOQUET, « La gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc au Mans et dans la Sarthe », Revue historique et archéologique du Maine, 1899, pp. 261-275.
  • Lieven DAENENS, « Museum voor Sierkunst Gent », OKV, année 31, n° 4, 1993.
  • Daniel LEVOYER et Claude GOISEDIEU, « La dynastie des Singher », La Vie Mancelle & Sarthoise, n° 425, 2012, pp. 32-39.
  • Monica PIERA MIQUEL, « La colección de escritorios de Salamanca o bargueños del Museu de les Arts Decoratives de Barcelona », Mueble, année 16, 2012, pp. 18-23.
  • s.n., Collection de feu M. Adolphe Singher, Paris, 1912.
  • Monique TAHON-VANROOSE, De vrienden van Scribe. De Europese smaak van een Gents mecenas, Anvers, 1998.
  • Nathalie ZIMMERN, « A Peruvian Bargueno. Colonial variation on the European writing cabinets », Gazette des Beaux-Arts, année 6, n° 89, 1947, pp. 109-122.
  • Le musée de la Reine-Bérengère, www.lemans.fr

Merci à Carole Hirardot et Caroline Philipsen-Mulsant.