Home Stories
100 Years, 20 Visionary Interiors
Notre intérieur reflète notre manière de vivre, il façonne notre quotidien et influe de manière fondamentale sur notre bien-être. Cela s'est révélé plus vrai que jamais au cours de l'année écoulée. Notre intérieur est devenu un refuge - parfois contre notre gré. Une esthétique ambitieuse s’inscrit en opposition aux considérations pratiques. Comment concilier travail et vie personnelle ? Comment les écoliers peuvent-ils étudier à la maison ? Comment assurer l’intimité lorsque l'espace est limité ?
Un nouveau débat sur l'intérieur privé, son histoire et ses perspectives d'avenir s’impose. Tel est précisément l’objectif du musée avec l’exposition Home Stories. 100 Years, 20 Visionary Interiors. L'exposition propose au visiteur un captivant voyage dans le temps retraçant les changements sociétaux, politiques, urbains et techniques importants qui ont façonné la conception et l'utilisation des intérieurs occidentaux au cours des 100 dernières années.
Après avoir abordé des thèmes actuels de l’habitation, tels que l'utilisation efficace d’un espace urbain de plus en plus rare et l'effacement de la frontière entre vie professionnelle et vie privée, le voyage dans le temps se poursuit avec un retour sur les lofts très prisés dans les années 1970, la tendance à une décontraction dans nos intérieurs dans les années 1960, l’avènement des appareils ménagers dans les années 1950 et les débuts des aménagements d’espaces ouverts dans les années 1920. Vingt intérieurs iconiques, réalisés par des architectes tels que Verner Panton, Finn Juhl, Lina Bo Bardi ou Assemble, des artistes tels qu’Andy Warhol ou Cecil Beaton ainsi que l’architecte d’intérieur Elsie de Wolfe, viennent illustrer cette histoire fascinante.
« Nous constatons depuis un certain temps déjà un intérêt pour le design d'intérieur en tant que discipline, mais cela n’a jusqu'à présent abouti à aucune réflexion sérieuse. L’intérieur est en effet principalement abordé de manière superficielle : dans des magazines glossy, lors d’émissions télévisées et sur les réseaux sociaux. Nous tentons d’y remédier en présentant des exemples historiques importants afin de nourrir un débat plus sérieux. »
Jochen Eisenbrand, commissaire
En présentant des intérieurs iconiques ainsi que des exemples ne bénéficiant pas d’une notoriété mondiale, Home Stories entend relancer le débat fondamental sur le design d’intérieur en tant que discipline. Les 20 études de cas sont toutes exemplaires de grandes tendances du design ou de développements historiques. Ces intérieurs n’ont délibérément pas été recréés, car trop d'éléments composant un intérieur, comme la hauteur des pièces, l'incidence de la lumière et la transition entre intérieur et extérieur, sont tout simplement impossibles à reproduire. Au lieu de cela, Home Stories représente les études de cas sous la forme d’images, films, meubles, croquis, modèles et mood boards.
Cette somptueuse gamme d’objets permet de découvrir le design d’intérieur en tant que discipline regorgeant de surprises et de variété. Tout au long des quatre parties de l'exposition, les visiteurs naviguent entre standardisation, fonctionnalisme et réduction formelle d'une part, et individualisation et ornementation d'autre part. Une vue d'ensemble qui soulève une question clé dans notre société moderne : comment voulons-nous habiter ?
Espace, économie, atmosphère : de l’an 2000 à aujourd’hui
L’exposition Home Stories débute avec des intérieurs contemporains, qui laissent percevoir le changement drastique actuel. Le micro-appartement Yojigen Poketto (alcôve en 4D) signé par l’agence d’architecture Elii de Madrid en 2017 en est un exemple marquant : grâce à l’aménagement d’un mobilier intégré modulable, il réussit une prouesse avec un minimum de surface. L’architecte Arno Brandlhuber, une fois encore, a su montrer avec la réalisation de son Antivilla à Postdam (2014), comment réhabiliter une ancienne usine en habitation. Il utilise des rideaux pour subdiviser les pièces en espaces polyvalents, définissant ainsi une forme alternative de confort et de luxe, qui joue la carte du minimalisme et l’utilisation judicieuse de matériaux particuliers. Le projet Granby Four Streets Community Housing à Liverpool (2013-2017), quant à lui, illustre comment le principe de l’économie de partage ou « Sharing Economy » peut se traduire dans l’architecture d’intérieur. Un groupe de résidents, qui a formé un fonds foncier communautaire, a lancé le projet et fait appel au collectif multidisciplinaire Assemble. Ensemble, ils ont sauvé une série de demeures victoriennes de la dégradation urbaine, en désossant les bâtiments et en les réhabilitant pour répondre aux besoins actuels de ses résidents. De nouveaux éléments ont été créés sur place, dans un atelier, à partir d’anciens matériaux récupérés des décombres des maisons.
Un changement fondamental s’est opéré dans la perception que nous avons de notre habitat au cours des dernières années, faisant émerger des plateformes Internet comme Airbnb, Instagram ou encore Pinterest : celles-ci nous permettent de poster des publications à tout moment sur notre propre habitation de plus en plus souvent considérée comme un bien commercialisable. Toutefois, l’univers visuel et la mise en scène de nombreux intérieurs actuels font encore aujourd’hui souvent référence à des motifs traditionnels ou conservateurs. En témoigne un essai photographique spécialement créé pour l’exposition par le designer britannique Jasper Morrison. Il se penche sur l’importance de certains objets et arrangements d’objets pour créer l’ambiance et donner du caractère à une habitation.
Marie Jacotey, Granby N48 (drawing of the housing project Granby Four Streets by Assemble, Liverpool, UK, 2013-today), 2016. Courtesy of the artist and Hannah Barry Gallery, London
Réinventer l’intérieur : 1960 – 1980
La deuxième partie de l’exposition est consacrée aux ruptures radicales avec les traditions dans le design d’intérieur des années 1960 aux années 1980. Sous l’influence croissante du post-modernisme, les designers ont commencé à s’interroger sur le contenu sémantique et symbolique des meubles, des motifs et des décorations, en particulier le groupe italien de designers Memphis. Le créateur Karl Lagerfeld, fervent collectionneur des pièces du groupe Memphis, a transformé au début des années 1980 son appartement de Monte-Carlo en une sorte de sanctuaire du post-modernisme dans lequel on peut déambuler, qui pousse à son paroxysme la carte de l’intérieur pop décalé de l’époque. Déjà au cours des deux décennies précédentes, l’expression du changement social de l’époque se retrouvait dans les intérieurs : l’architecte Claude Parent et le philosophe Paul Virilio ont lancé au début des années 1970 le principe du « vivre à l’oblique » par opposition à l’orthogonalité et à l’anonymat des pièces de l’époque. En 1973, Claude Parent aménage son propre appartement à Neuilly-sur-Seine en créant des plans inclinés sur plusieurs niveaux, qui peuvent servir, au choix, d’assises pour manger, travailler ou encore s’allonger. La Silver Factory d’Andy Warhol à New York (1964 – 1967) était, elle aussi, l’un des premiers exemples d’habitation créée dans une usine désaffectée. Il a suscité un véritable engouement pour les lofts (« loft living ») qui n’a jamais failli jusqu’à aujourd’hui.
L’ascension mondiale du fabricant de meubles IKEA a également changé radicalement nos intérieurs à partir des années 1970 : IKEA a donné la possibilité à un grand nombre de personnes d’acheter du mobilier moderne à un prix abordable. Mais de ce fait, les meubles et autres accessoires de décoration ont de plus en plus souvent été considérés comme des biens de consommation éphémères et interchangeables, et nous avons pris peu à peu conscience de l’impact négatif que cette attitude pouvait avoir sur l’environnement.
Le légendaire Fantasy Landscape (Paysage fantastique) (1970) de Verner Panton constitue la pièce centrale de l'exposition et représente les idées radicales du design d’intérieur des années 1960 et 1970. Les visiteurs peuvent accéder au tunnel-caverne, paré de luxuriantes nuances de violet et bleu avec un lumineux centre rouge, orange et jaune, et profiter pleinement de l'atmosphère.
Nature et technologie : 1940 – 1960
L’apparition de l’intérieur moderne a franchi une autre étape décisive pendant la période de l’immédiat après-guerre, moment où le langage des formes de l’avant-garde a trouvé sa place dans de nombreuses habitations occidentales. Ainsi, Peter et Alison Smithson, en présentant leur House of the Future dans le cadre de l’exposition Ideal Home Exhibition à Londres en 1956, ont conçu un intérieur futuriste en utilisant les matériaux, les appareils électroménagers à la pointe de la technologie, et en proposant même une salle de bains autonettoyante. Sceptique face au progrès technique et au design fonctionnel, Jacques Tati a mis en scène sa Villa Arpel imaginée dans son film Mon Oncle (1958), une « machine à habiter » tout aussi aseptisée qu’arbitraire obligeant ses occupants à se plier à sa volonté. L’association de formes et matériaux modernes à une certaine idée du « confort » se révèle être la recette du succès du design scandinave au cours de ces décennies dans le monde entier. L’appartement de l’architecte Finn Juhl et sa maison dans la ville danoise d’Ordrup en étaient déjà de parfaits exemples en 1942. Les transitions fluides entre l’intérieur et l’extérieur doivent elles aussi être bien pensées dans la conception d’espaces à vivre (et à rêver), comme en atteste la maison Casa de Vidro (1950 – 51) de l’architecte brésilienne Lina Bo Bardi à São Paulo.
Les nombreuses transformations qu’a connu l’intérieur d’après-guerre vont de pair avec le contexte politique plus large du conflit Est-Ouest. En témoigne le célèbre Kitchen Debate engagé entre Richard Nixon et Nikita Khrouchtchev au cours d’une rencontre impromptue des deux hommes politiques dans une maison préfabriquée américaine lors de l’exposition universelle de Moscou en 1959. Ils échangèrent alors leurs points de vue sur la qualité de vie et l’équipement standard des ménages dans leurs systèmes politiques opposés.
Les débuts de l’intérieur moderne : 1920 – 1940
Frankfurter Kitchen © Vitra Design Museum, Photo: Ludger Paffrath
Cette exposition retrace les origines de l’intérieur moderne dans les projets de logement et d’aménagement des années 1920 et 1930 qui marquent aujourd’hui encore de nombreuses habitations. Le programme de construction de logements Das Neue Frankfurt (Le nouveau Francfort, 1925 – 1930), sous la direction de l’architecte Ernst May, fait appel à grande échelle aux principes du Neues Bauen, ou architecture moderne. Ainsi, non seulement la célèbre cuisine de Francfort de Margarete Schütte-Lihotzky (1926) a investi les intérieurs, mais les meubles peu coûteux de Ferdinand Kramer et Adolf Schuster aussi. Si la dimension socio-politique était l’axe principal du programme de logements d’Ernst May, d’autres architectes comme Ludwig Mies van der Rohe ont entièrement redéfini la structure et l’organisation spatiale des intérieurs. Ce dernier, avec sa Villa Tugendhat (1928 – 1930) située à Brno en Moravie, a conçu l’une des premières maisons selon les principes du plan libre et où les espaces ne sont pas cloisonnés. Adolf Loos a transposé le même principe avec son idée de «Raumplan » basé sur un plan de la pièce en trois dimensions : sa Villa Müller à Prague (1929/30) est une succession complexe de pièces qui s’entrecroisent à divers niveaux de hauteur, brisant ainsi les codes de la conception en plans. L’architecte et designer autrichien Josef Frank a défendu quant à lui le principe de « l’accidentisme » selon lequel les intérieurs devraient évoluer dans le temps de manière organique, donnant ainsi l’impression d’être le fruit du hasard.
À l’inverse de ces approches du modernisme, certains de leurs contemporains ont également prôné la décoration comme moyen d’expression, notamment l’Américaine Elsie de Wolfe, considérée comme l’une des premières femmes décoratrices professionnelles, qui a publié en 1913 le livre La maison de bon goût. Selon elle, un intérieur devait essentiellement servir à refléter l’identité de la personne qui y vit. Le photographe, scénographe et décorateur d'intérieur britannique Cecil Beaton partageait cette idée. Pour l’aménagement de sa Ashcombe House (1930 – 1945), il s’est inspiré des arts plastiques, du théâtre et des pistes de cirque.
Publication
La publication complète publiée conjointement avec l’exposition explore ces études de cas comme des moments clés de l'histoire de l'intérieur moderne. Elle comprend des photographies, dessins et plans historiques et récents.
Penny Sparke fournit un historique concis du design d'intérieur en tant que discipline, Alice Rawsthorn étudie le rôle du genre, tandis que Mark Taylor aborde le débat sur le design d'intérieur au 21e siècle. Adam Štěch jette un éclairage sur l'utilisation de la couleur dans les intérieurs résidentiels et Matteo Pirola propose une chronologie détaillée et richement illustrée d’événements importants de l'histoire du design d’intérieur. Dans un portfolio de photographies sélectionnées exclusivement pour ce livre, Jasper Morrison se penche sur ce qui constitue un bon intérieur. Outre des entretiens avec des praticiens contemporains du design d'intérieur, des experts de la sociologie et de la psychologie de l’habitat apportent un éclairage supplémentaire. Ce livre constitue une ressource précieuse pour tous ceux qui s'intéressent au design d'intérieur.
Home Stories 100 Years, 20 Visionary Interiors. Editeurs: Mateo Kries, Jochen Eisenbrand. 25 × 25,5 cm. 320 pages, env. 500 images. ISBN: 978-3-945852-38-5 € 59,90.
Information pratiques
Home Stories. 100 Years, 20 Visionary Interiors
27.03.2021 – 12.09.2021
Entrée: € 10 | € 8 | € 6 | € 2 | € 0
Ouvert tous les jours de la semaine de 9:30 à 17:30
Ouvert le week-end, les jours fériés et pendant les vacances scolaires
de 10:00 à 18:00
Fermé le mercredi
Sandra Plasschaert
Cats Communication
Press & PR
+32 479 35 10 39
sandra@catscommunication.be
Simon Adriaensen
Design Museum Gent
Communication
+32 9 323 64 88
simon.adriaensen@stad.gent