Une salle d’abattage pour une pendule
Un homme qui vient d’être libéré de ses chaînes se tient à côté d’une ruine envahie par la végétation. Cette horloge de style Empire du XIXe siècle est peut-être une allégorie de l’impuissance de l’homme face à l’écoulement du temps. Le musée Arnold Vander Haeghen a transmis cette œuvre à notre collection dans les années 1980. La maison du XVIIIe siècle dans la Veldstraat à Gand qui abrite ce musée depuis les années 1950 a été habitée pendant un siècle, à partir de 1840, par trois générations de la célèbre famille d’imprimeurs Vander Haeghen. Il est possible qu’Eugeen Vander Haeghen (1829-1880) ou son fils Arnold Vander Haeghen (1869-1942) ait été le premier propriétaire de l’horloge, à moins qu’elle n’ait seulement été introduite dans la maison lorsque celle-ci fut transformée en musée.
Michiel Hutsebaut était en admiration face à la beauté et aux qualités artisanales de cette pendule, fabriqué en France ou en Belgique. Dans le cadre de ses études d’architecture intérieure, il a été chargé de concevoir un intérieur imaginaire de 25 mètres carrés qui pourrait donner un nouveau souffle à cette pièce de collection. Particulièrement intrigué par l’aspect du temps et par la patine et l’ornementation de l’objet, il a conçu une salle d’abattage de porcs pour l’horloge, sur base de ces éléments. Une surprenante nouvelle vocation pour cette œuvre, après ce que l’on croyait être son dernier rôle significatif dans la collection de Design Museum Gent.
La salle d’abattage est un hommage mélancolique mais sincère à l’horloge. Car cette dernière contrôle toute l’activité dans cet intérieur. L’espace est organisé efficacement autour d’un rail courbe qui guide les porcs à travers les étapes successives de leur transformation. De sa niche bien en vue dans le mur, l’horloge détermine le temps et le rythme de ces actions. Chaque fois que les utilisateurs de l’espace la regardent, en fonction de leurs tâches, elle leur procure un plaisir visuel. Elle leur donne aussi un statut, grâce aux matériaux luxueux que sont le marbre et le bronze et à l’ingéniosité technique avec laquelle elle a été fabriquée. D’autre part, l’intensité du processus d’abattage sanglant et l’utilisation du marbre et du travertin pour les sols et les murs créent un contexte brut, mais riche et authentique dans lequel l’horloge peut fonctionner.
En 2017, 15 étudiants en Master d’architecture intérieure de la KU Leuven (Campus Sint-Lucas Gand) ont conçu un intérieur pour une pièce collection de Design Museum Gent. Ils l’ont réalisé dans le studio de design Vraagstukken uit de praktijk (Questions pratiques) sous la direction de i.s.m.architecten, Fredie Floré et Arnaud Hendrickx. Les résultats ont été présentés lors de l’exposition Reactivate Design. De nouveaux intérieurs pour des objets d'exception. Actuellement, l’horloge peut être admirée dans la salle Catharina de l’Hotel De Coninck. Merci à Michiel Hutsebaut, qui travaille pour FELT architecture & design depuis 2018, et à Sophie Balace (Musée du Cinquantenaire, Bruxelles) et Eddy Fraiture (historien de l’horlogerie) pour leurs informations sur cet objet.